Bilan 2022 : UNE ANNÉE EN DEUX TEMPS

Après avoir connu un fort redressement pendant l’année 2021 ayant permis à la filière d’atteindre pour la première fois un million de tonnes collectées en une année, la filière plastique se stabilise en 2022 en enregistrant une faible augmentation de +0,6 %. Ce sont au total 1 048 800 tonnes de plastiques collectés et recyclés en 2022 contre 1 042 500 tonnes en 2021.

Cette légère hausse s’explique par une année qui débute sur la lancée de 2021 avec une forte demande en matières recyclées, toutes résines confondues. Pendant huit mois, la collecte des déchets plastiques reste stable par rapport à 2021, tandis que le cours des prix des résines plastiques est en nette hausse. Cependant, cette dynamique très favorable a subi un fort ralentissement au 2nd semestre au cours duquel les entrées restent stables, mais où la demande s’effondre, autant pour la collecte sélective qu’industrielle. La hausse du prix de l’énergie est responsable en grande partie de la hausse du prix des résines recyclées. Le recyclé a doublé en un an, perdant ainsi sa compétitivité par rapport aux résines vierges.

En 2022, sur le tonnage total collecté, 33 % proviennent de déchets ménagers et 67 % de déchets industriels.

COLLECTE SÉLECTIVE
La collecte des plastiques ménagers a diminué, passant de 375 300 tonnes en 2021 à 347 000 tonnes en 2022.
On assiste donc non seulement à une baisse de la collecte sélective, en termes de pourcentage sur le nombre total de tonnes collectées en 2022, mais également en valeur absolue. Cette baisse s’explique par la conjugaison de plusieurs facteurs :
- Impacts de la crise de l’énergie et de l’inflation,
- Diminution progressive de l’utilisation du plastique dans la conception des emballages ménagers (côté metteurs en marché),
- Sensibilisation des consommateurs aux enjeux environnementaux qui réduisent leur consommation de produits manufacturés plastiques en raison de l’impact sur l’environnement dénoncé très largement.

Les tonnes collectées en 2022 restent cependant supérieures aux quantités collectées avant la crise sanitaire, grâce à la mise en place de l’Extension des consignes de tri (ECT).

COLLECTE INDUSTRIELLE
La Collecte industrielle continue à progresser, avec 5 % de plus par rapport à 2021, soit 701 800 tonnes collectées en 2022. Sont compris dans les plastiques industriels, les emballages industriels et commerciaux, les plastiques issus du traitement des VHU, des DEEE, des déchets du bâtiment, ou encore les déchets plastiques issus de l’agrofourniture. Cette tendance haussière pourrait ne pas perdurer en 2023 si la demande de résines recyclées persiste à diminuer, comme c’était le cas au dernier semestre 2022. Les débouchés pourraient alors être de plus en plus difficiles à trouver dans les mois à venir pour les plastiques recyclés.

Pour information (données 2020 du CSF déchets TVD), la part d’emballages ménagers et industriels représentait le segment le plus important (57 %), suivi par le bâtiment (15 %), les DEEE (11 %), l’automobile (9 %) et l’agrofourniture (8 %). Bien que non exhaustif et sur un périmètre différent (déchets plastiques entrants dans le process de régénération provenant de France à 75 % et importés à 25 %), les chiffres du SRP (Syndicat des régénérateurs de plastiques) éclairent sur la provenance par secteur des déchets plastiques recyclés (66 % emballages, 12 % bâtiment, 6,5 % DEEE, 5,5 % automobile, 4 % agrofournitures, 6 % autres).

UNE FILIÈRE AVALE DÉPENDANTE DE LA DEMANDE EN MATIÈRES PLASTIQUES RECYCLÉS
Il existe plusieurs types de prises en charge des déchets plastiques :
- Une partie est recyclée en interne dans les entreprises qui produisent les déchets plastiques (non comptabilisée dans le cadre de l’étude),
- Une partie est traitée à façon via les opérateurs de recyclage pour le compte du producteur de déchets,
- Et une partie est récupérée par les opérateurs de recyclage de déchets, triée par résine, préparée pour être revendue à un consommateur (régénérateur, consommateur Matières Plastiques Recyclées).

Le traitement à façon représente environ 28 % des déchets plastiques traités.
La production et la vente de Matières Premières issues du Recyclage (MPiR) réalisées par les opérateurs sont évaluées à 755 100 tonnes vendues en 2022, un chiffre stable par rapport à 2021.
Selon l’enquête et la répartition en sortie de centres de tri, on note une forte progression de la valorisation des résines de PE, PEHD et PEBD (avec une augmentation de 31 % par rapport à 2021 soit 75 000 t en plus) et de PET (avec une augmentation de 24 % par rapport à 2021 soit 43 000 t en plus). La demande a été forte et les prix élevés au 1er semestre 2022.

A contrario, on observe un ralentissement de la collecte et de la valorisation des films PE (-52 % par rapport à 2021 et 63 000 t de moins), du PS (-13,6 % en 2022, soit une diminution de 4 000 t par rapport à 2021) et du PP (-16 % par rapport à 2021 soit -33 000 t) en fin d’année. Les autres résines plastiques mal identifiées continuent à baisser passant de 14 % en 2021 à 9,5 % du total des plastiques collectés et valorisés en 2022 (soit une baisse de 33 000 t en un an).

Le marché français représente 54 % des tonnages vendus par les entreprises du recyclage (407 800 tonnes), tandis que les ventes intracommunautaires et hors UE représentent 46 % des tonnages vendus (347 300 tonnes selon les douanes), soit une répartition stable par rapport à 2021. Le maintien du niveau de vente en France peut s’expliquer par une augmentation de la demande, encouragée par les futurs objectifs d’incorporation qui seront imposés au niveau européen à horizon 2025 pour le PET et pour les autres résines d’ici 2030. Le territoire français compte désormais un nombre croissant de débouchés pour les résines recyclées. Cependant, la France demeure un pays excédentaire, et doit exporter vers ses voisins européens par manque de débouchés sur le territoire national pour l’ensemble des catégories de MPiR produites.
Le chiffre d’affaires de la filière est de 355 millions d’euros, soit une hausse de 36 % par rapport à l’année précédente. Cela s’explique par les prix de ventes élevés au cours des huit premiers mois de l’année.

Enjeux 2023 : UNE FILIÈRE CONFRONTÉE À DE NOMBREUX DÉFIS

Dans la continuité de l’année 2022, la filière de recyclage des plastiques fait face en 2023 à de forts enjeux économiques et réglementaires.

LES ENJEUX ÉCONOMIQUES
L’année 2023 débute avec la mise en place de l’ECT et du flux développement par Citeo (cf. Arrêté modificatif du 15 mars 2022 qui prolonge l’agrément de la REP Emballages ménagers pour 2023). Le flux développement assure désormais la reprise exclusive par les éco-organismes des films PE/PP ainsi que des plastiques rigides en mélange à surtrier. Le but de la démarche est de trouver des débouchés aux résines considérées comme étant difficilement recyclables.

Suivant la même dynamique que celle du marché européen, le marché des plastiques recyclés connaît en France un véritable ralentissement. La chute de la collecte est en partie amortie par les volumes additionnels collectés grâce à l’application de l’extension des consignes de tri.

En termes de débouchés, la filière Plastiques souffre au 1er semestre 2023 d’un effondrement de la demande des matières plastiques recyclées, notamment en raison de la chute des prix des plastiques pétro-sourcés, ce qui déstabilise fortement le marché pour les acteurs du recyclage. Le prix de la résine recyclée devient de moins en moins compétitif. Sans débouchés viables et constants, les opérateurs sont dans l’incapacité d’écouler leurs stocks de matières, et doivent freiner la collecte de déchets en amont ainsi que leur valorisation. Cela vient fragiliser la boucle économie circulaire et interroge sur la question de l’incorporation des MPiR et des impacts sur l’environnement.

LES ENJEUX RÉGLEMENTAIRES : UN AGENDA 2023 TRÈS CHARGÉ
Au niveau français, les échanges pour la révision du cahier des charges de la REP Emballages ménagers pour l’agrément 2024-2029 ainsi que les débats autour de la consigne se multiplient. En parallèle, la construction du cahier des charges de la nouvelle REP CHR (Emballages Cafés Hôtels-Restaurants) progresse en concertation avec les différentes parties prenantes. Cette REP est d’autant plus importante que chacun s’accorde à dire qu’elle sera une préfiguration de la REP DEIC (Déchets d’Emballages Industriels et Commerciaux). Une étude de préfiguration de l’Ademe de la REP DEIC est attendue pour 2023 avec un point de vigilance pour la filière plastiques qui demeure la seule à être nettement derrière les objectifs de tri et de collecte. Les périmètres de ces REP couvriront le reste des emballages qui n’étaient pas encore sous REP. Cela offre une nouvelle opportunité d’optimiser la collecte, mais crée également le risque de profondément modifier les systèmes actuels.

Sur le plan européen, les négociations autour du projet du Règlement Emballages (PPWR) auront également une incidence sur la filière dans la mesure où le règlement instaure les obligations d’incorporation de résines plastiques recyclées, et défini aussi les techniques de traçabilité autorisées pour le recyclage chimique.

Perspectives 2024 : LE DÉBUT D’UNE NOUVELLE ÈRE RÈGLEMENTAIRE AVEC DES PARTICULARITÉS PROPRES AU PLASTIQUE

L’année 2024 marquera le début d’un nouveau cycle avec l’application du nouveau cahier des charges de la REP Emballages Ménagers et la mise en place de la REP CHR. Une vigilance accrue devra être portée à la REP DEIC, dont le cahier des charges sera négocié au cours de l’année. La filière plastiques devra relever les défis de collecte, mais aussi de débouchés. Il faudra donc espérer que les pouvoirs publics publient des textes qui favorisent l’incorporation de plastique recyclé. De plus, le développement du recyclage chimique en plein essor conduira à faire des modalités de traçabilité, un enjeu déterminant pour la filière, notamment dans l’optique de préserver la crédibilité des savoir-faire des acteurs du recyclage de la filière.

Une année décisive pour le recyclage des bouteilles plastiques pour boisson : la consigne, une solution qui fait débat

Alors que se sont tenues en 2023 les concertations pour la mise en place d’une consigne pour le recyclage des bouteilles plastiques, concertation sur la place de la consigne dans la feuille de route emballage 2021/2025. L’article 66 de la Loi Agec fixe les objectifs de -50 % de bouteilles en plastique à usage unique mises sur le marché en 2030 par rapport à 2018, avec un taux de collecte pour recyclage des bouteilles en plastique pour boisson fixé à 77 % pour 2025 et à 90 % pour 2029.

La commande politique a toutefois été élargie au-delà de la seule bouteille plastique (qui représente moins de 10 % des emballages aujourd’hui non collectés, hors verre). L’objectif est clair : améliorer les performances de collecte et de recyclage de tous les emballages.

FEDEREC, comme les associations de collectivités et une majorité d’acteurs du secteur, rejette la consigne, exemple parfait de la fausse bonne idée dans un contexte où opérateurs de déchets et collectivités ont largement investi pour optimiser la collecte et le traitement des emballages plastiques. Le challenge réside plutôt à ancrer dans l’inconscient collectif le geste de tri réflexe « poubelle jaune » citoyen qui ne coûte rien et qui est efficace pour les ménages depuis janvier 2023, encore faut-il que cette poubelle jaune soit disposée sur l’ensemble du territoire et pour tous.

• Magali MAURICE